Alain, philosophe antisémite. Des citations sur les juifs et l'Allemagne nazie dans son journal

Article publié le 16/05/2018

Les étudiants-disciples d’Alain (1868-1951) – au civil Emile Chartier –  l’appelaient « L’Homme ». Rien de moins. Il incarnait une de ces icônes laïques que la France aime célébrer discrètement. A peu de choses près, on aurait pu l’assimiler à un curé d’Ars de la République, suave, bienveillant, gardien du temple des humanités. C’était sans compter les révélations scabreuses qui entourent la parution de son journal inédit, en mars 2018. Des citations extraites de ce journal, indéfendables, précipitent Alain dans une tourmente posthume radicale.


Alain, qui était un philosophe renommé pour son pacifisme, était par ailleurs antisémite. En 1938, il a soutenu les accords de Munich pour éviter la guerre. Deux ans plus tard, en 1940, il ose alors écrire :

 

« J’espère que l’Allemand vaincra ; car il ne faut pas que le genre de Gaulle l’emporte chez nous » (Journal, 23 juillet 1940)


Concernant son rapport aux juifs et à l’antisémitisme le dossier s’alourdit. Passé de longs scrupules entortillés, il déclare :

 

« On verra peut-être si, les juifs éliminés de tout pouvoir, les choses vont mieux. Il se peut mais je n’en sais rien » (Journal, 1940)


Analysant ces citations compromettantes, Roger-Pol Droit écrit assez justement qu’au final, Alain n’est pas tant un salaud qu’un symptôme. Que cet homme, si lucide et versé dans l’humanisme se soit ainsi fourvoyé (au-delà des deux fragments relevés dans cet article), voici qui montre bien le caractère métaphysique de la question antisémite. Question suintante, exténuante, qui décourage souvent l’ardeur des plus solides, des plus aguerris d’entre nous. L’antisémitisme est une question transcendantale, ontologique.


Elle est aussi, malheureusement, le prétexte à un flicage de la pensée publique, à des intimidations très graves prononcées au nom de l’antiracisme et de la tolérance. Cette inversion des valeurs, qui aboutit au soupçon généralisé au sein des sociétés occidentales, doit être combattue. Les citations d’Alain ne sauraient suffire à clore le débat sur ce philosophe déchu.