Paul Claudel, l'écrivain chrétien, le littérateur acide - juifs, protestants... tout un théâtre

Article publié le 13/06/2018

Universellement célébré comme dramaturge et homme de lettres académique, Paul Claudel est nettement moins connu pour sa production religieuse. Furieusement catholique, il conspuait l’altérité spirituelle comme un soudard : l’hindouisme serait un affreux inceste panthéiste,  les incroyants constitueraient une humanité dégénérée, les chrétientés non catholiques seraient à vomir : « Tout ce qui n’est pas avec elle [l’Eglise] se sépare, se dessèche et meurt. Byzance est engloutie par l’Islam, Moscou flambée par le bolchevisme, le luthéranisme est étranglé par Hitler, et l’anglicanisme périt comme Antiochus, dévoré par sa propre vermine » (Paul Claudel, Ruth).


Les protestants, tout particulièrement, le révulsaient : en 1934, il alla jusqu’à comparer le Mein Kampf d’Hitler à l’œuvre de Luther. Soyons équitables cependant… Claudel savait aussi respecter, sinon apprécier, ce qui lui était spirituellement étranger : ainsi le shintoïsme japonais sous certains aspects, le taoïsme chinois, mais surtout le judaïsme et son peuple, qu’il portait au creux de son cœur avec l’Ancien Testament. Ultime pirouette, il assimilait volontiers les juifs à l’argent… non pas pour les dénigrer, mais plutôt pour les en féliciter.

 

 

FRAGMENTS

 


« J’ai pour les protestants la même horreur profonde, instinctive, presque physique que certaines gens ont pour les Nègres et les Juifs » (Paul Claudel, Journal II)


« C’est Israël qui a accordé à Dieu l’incarnation. Mais c’est aussi Israël qui a fourni à Dieu le moyen de notre rédemption, et qui a ressaisi pour s’en servir effectivement le couteau échappé des mains de son père Abraham » (Le poëte et la Bible, II)


« Tolérer, mot ignoble » (Journal, 1908)


« L’ascétisme hindou dissout, l’ascétisme chrétien concentre » (Paul Claudel, Journal I)


« Ne reste pas si raide, ô pauvre protestant ! Oublie ta science, oublie ta propreté, oublie ta vertu, oublie ton inestimable supériorité, oublie ta propriété, oublie ce self que tu as constamment à la bouche» (Paul Claudel, Œuvres complètes)


« Je ne suis pas quelque chose de sain, dit Israël, je suis malade. Il y a 2000 ans que je souffre d’une mauvaise conscience, il y a 2000 ans que j’ai mal à cet Univers qui ne me sert à rien. Il y a 2000 ans que je fais mal à l’Univers en tant que mauvaise conscience. Persécuté persécuteur » (Le poëte et la Bible, II)


« Apprends qu’il n’y a qu’une chose nécessaire, mon pauvre ami, et c’est qu’il est nécessaire d’être Un. Tu n’arriveras jamais à être Un à toi tout seul. Cesse donc de protester » (Œuvres complètes) 


« Ah, grand peuple [la Chine]! Que si toute cette eau où tu vis te donnait l’envie enfin de reconnaître l’eau véritable (…) ce n’est pas ce compact Bouddha qui te la donnera, ni cette espèce d’incubation de l’origine que te recommandent tes philosophes et cette adhésion de la conscience au néant » (Un poète regarde la Croix, 1938)


« Tout ce qui n’est pas avec elle [l’Eglise catholique] se sépare, se dessèche et meurt. Byzance est engloutie par l’Islam, Moscou flambée par le bolchevisme, le luthéranisme est étranglé par Hitler, et l’anglicanisme périt comme Antiochus, dévoré par sa propre vermine » (Ruth)


« Je ne cherche pas à savoir si Israël, pour accomplir sa mission, doit intégrer l’Eglise catholique. En tant que catholique, je le crois et je le souhaite et ce serait faire injure à Israël que de ne pas vouloir au fond de mon cœur qu’il partage la vérité dans laquelle je crois et que je sers » (Paul Claudel, Entretien avec André Chouraqui, 1951)


« Indiscutable aux narines d’un chrétien, comme une ménagerie sent l’urine et comme un chantier d’équarisseur sent la viande gâtée, l’Inde ne sent pas seulement la chair, elle ne sent pas seulement la fleur et l’eau croupie, elle sent le diable » (Paul Claudel, Le poëte et la Bible, II)


« Seuls les gens obtus et cruels ont pu reprocher aux Juifs leur rôle de grands financiers et les persécuter pour cela, comme ils ont persécuté, martyrisé les Templiers qui étaient, eux aussi, des agents financiers. Je le répète, l’argent est utile. Il est le moyen immédiat de se faire du bien les uns aux autres » (Entretien avec André Chouraqui, 1951)