Peut-on prouver l'existence de Dieu? Liste de preuves anciennes et nouvelles. Islam et christianisme

Article publié le 17/05/2019

La théologie propose des preuves de l’existence de Dieu depuis force siècles. Celles-ci sont plus ou moins solides intellectuellement ; elles ne tiennent pas toutes la route, mais certaines sont passionnantes. Nous en évoquerons quelques-unes. De nos jours, la structure mentale de l’individu occidental fonctionne de telle sorte que, pour schématiser, on n’exclut pas la possibilité du miracle à la condition expresse que celui-ci n’outrepasse pas les lois physiques… autant dire que l’équation est faussée dès le départ.


La rationalité est de nos jours conçue hors du numineux ; elle s’énonce comme une arithmétique spirituellement sceptique, réduite au champ de la concrétude extrême. En clair, elle exclut la possibilité de la foi malgré ses dénégations.


Evoquons donc quelques preuves de l’existence de Dieu.

 

En premier lieu, il existe les cinq voies énoncées par Thomas d’Aquin. Réduisons la complexité en citant en substance le grand docteur de l’Eglise :


« Tout effet a une cause, or rien de ce qui est n’est la cause de soi. L’origine de l’univers n’est donc pas dans l’univers »


A l’intérieur de sa Somme théologique, l’on trouvera des argumentations très serrées d’un point de vue rationnel aboutissant à l’évidence de la Trinité, de l’Incarnation de Dieu en Jésus, etc.


Autre preuve de l’existence de Dieu fondamentale, l’argument ontologique de Saint Anselme de Cantorbéry, un moine du XIe siècle. Elle s’appuie sur un raisonnement plutôt malin :


Si l’on part de sa définition admise par tous, croyants ou non, Dieu est l’être tel qu’on ne peut pas en concevoir de plus grand. Or, le non-croyant lui-même conçoit en lui-même cette définition de Dieu. Or, si quelque chose n’existe que dans l’intelligence et non dans la réalité, c’est que quelque chose de plus grand que cette chose existe, puisque le fait d’exister dans la réalité est plus grand que le fait de n’exister que dans l’intelligence. Dès lors, la définition de Dieu implique nécessairement son existence, et l’athée est obligé de reconnaître l’existence de Dieu pour éviter de se contredire.


Au IXe siècle, Candide de Fulda avait déjà développé une preuve de l’existence de Dieu, avant Anselme de Canterbury que l’on prend trop souvent pour le pionnier en la matière. D’autres encore, avaient été plus précoces.


Petit scoop théologique : à mon sens, on peut même soutenir que le père de l’Eglise oriental Grégoire de Nazianze précède Thomas d’Aquin de 900 ans dans sa preuve de Dieu par la chaîne des causes :


« L’ordre de la nature (…) Comment cet ensemble aurait-il commencé ou subsisterait-il, si Dieu n’avait pas donné la substance à toutes les choses et ne les maintenait ? Si l’on voit une cithare (…) on ne manquera pas de penser à l’artisan (…) Il est irréfléchi au dernier point, celui qui ne s’avance pas jusque-là spontanément et qui ne suit pas les démonstrations données par la nature » (Grégoire de Nazianze, Discours 28, 6)

 

Listons rapidement quelques autres preuves, pas toutes bien sérieuses, mais très intéressantes à creuser :


-La preuve de l’existence de Dieu, par l’écrivain Gilbert Cesbron. Celle-ci fonctionne en creux, non sur la base d’une démonstration positive : « Pour moi, chaque fois qu’une question relevant du Créateur s’avère démesurée, c’est-à-dire à sa mesure, je respire mieux. Il est le maître des galaxies, pas les astronomes. Ce n’est donc pas un paradoxe d’avancer que les mystères du dogme constituent presque une preuve de l’existence de Dieu » (Gilbert Cesbron, Ce que je crois)


-Pour Maurice Nédoncelle, la musique est une preuve de l’existence de Dieu.


-Le théologien allemand Peter Knauer soutient que l’on peut prouver l’existence de Dieu, mais indirectement, en prouvant notre état de créatures, d’êtres créés, ou en prouvant que le monde est créé (P. Knauer, Pour l’intelligence de notre foi). Il faut d’abord prouver que le monde a besoin d’une explication, et, deuxièmement, que seul son état de créature l’explique effectivement. « Le point de départ de la preuve : le constat que toute la réalité de notre monde est une unité de contraires qui s’interpénètrent » (P. Knauer, ibid)


-La boutade n’est pas même exclue du champ de réflexion. Ainsi, selon l’écrivain Roger Peyrefitte, "Pour le peuple, il n’y aura jamais de plus belle preuve de l’existence de Dieu qu’une mitre d’évêque" (Roger Peyrefitte, Les clés de Saint Pierre)


-En plein Moyen Âge, Bonaventure tonne que les athées n’ont aucune excuse ; les signes de la nature explicitent clairement l’existence de Dieu. Par ailleurs, on remarque que le Coran des musulmans affirme aussi cela en plusieurs passages. Ainsi dans la Sourate II, 164: "Dans l’eau que Dieu fait descendre du ciel et qui rend la vie à la terre après sa mort-cette terre ou il a disséminé toutes sortes d’animaux- dans les variations des vents, dans les nuages assujettis à une fonction entre le ciel et la terre, il y a vraiment des Signes pour un peuple qui comprend." 


-Le célèbre acteur Benoît Poelvoorde s’est lui-même emparé du sujet, en postulant ceci : "C'est l'homme qui est la preuve de l'existence de Dieu" (Europe 1, 27 août 2015)

 

-Dans ses écrits, le métaphysicien oublié René Le Senne nous propose des amorces de preuves de l'existence de Dieu complexes, mais intéressantes:

"Si l'un objectif était la fin de nos visées, on ne pourrait que n'y pas être ou y être, car cet un exclut le degré, comme le point est sans parties. Entre la mort dans l'un et l'anéantissement hors de l'un, il n'y aurait pas de vie. Je suis et vis. En tant que j'existe, je dois participer de l'un ; en tant que je désire n'y réussir qu'en partie, je ne dois pas l'épuiser immédiatement ni jamais. Donc l'un comporte la multiplicité du degré, comme tout autre ; et, puisque l'un d'un moi est le seul à permettre une multiplicité en soi, l'un suprême est une personne et doit être appelé Dieu » (René Le Senne, Cahiers intimes, 1er mars 1931)

"Que rien ne puisse être compris que par l'idée d'infini, c'est une nouvelle preuve de l'existence de Dieu. Si Dieu est, c'est lui qui doit faire tout comprendre"  (René Le Senne, Cahiers intimes, 20 mars 1931)


-Bien d'autres preuves de l'existence de Dieu postulées existent, à découvrir par l’étude des textes anciens notamment...


Pierre-André Bizien