C'est un témoignage précieux qui nous vient d'un monsieur vietnamien arrivé en France il y a une trentaine d'années, pour terminer ses études. Vous pouvez lui parler de toutes les imperfections de notre système scolaire et universitaire, chiffres à l'appui, il vous objectera que vous vous aveuglez sur l'essentiel : les Grandes Ecoles à la française, c'est un trésor républicain que nous sommes en train de détruire pour des raisons sociales non justifiables. Au coeur de notre déni actuel, la notion de méritocratie. Cette notion est attaquée depuis des années, prétendument parce qu'elle serait un trompe-l'oeil qui cacherait en sourdine la "reproduction des élites".

Trop facile. La France est un pays extrêmement social qui s'enfonce dans la médiocrité à mesure qu'il s'ingénie à taper sur les uns pour donner aux autres.

La méritocratie, notion française ou vietnamienne ?

Le résultat sur le niveau dans les Grandes Ecoles est édifiant. Au fil des années, nous avons perdu un rayonnement qui nous faisait envier dans le monde entier. On pourra toujours se justifier en contestant les classements internationaux sur des détails paramétriques : la réalité est bien là, et on persiste à la nier. L'excellence a pris un sacré coup dans l'aile. 

Monsieur Chuong souligne que la notion de méritocratie est le point de contact entre la culture française et la culture vietnamienne, et que ce point de contact est aujourd’hui menacé :  

“Pour les vietnamiens, la notion de méritocratie a une pleine signification. Je ne saurais dire si cette notion est typiquement française, car elle est présente en Chine et au Vietnam depuis des générations, au travers du mandarinat; le concours était ouvert à tous, même aux fils de paysans, et seuls les meilleurs devenaient serviteurs de l’Etat.” (Chuong, Histoire d'une grande famille vietnamienne, Madame Kien et les siens, L'Harmattan, 2022)  

“Il ne faut pas céder à la facilité en critiquant la notion de méritocratie, sous prétexte que ça ne marcherait pas. Il faut s’y tenir. Certes, il n’est pas faux de dire qu’il y a de l’inégalité dans la société, mais ce n’est qu’une seule facette de la réalité. Avec toutes ses grandes Ecoles, la France a un véritable trésor qu’elle est en train de liquider” (Chuong, ibid) 

Les Vietnamiens de France ont tendance à mieux réussir socialement que d'autres, avant tout parce qu'ils n'attendent pas de miracles: seule la valeur travail est vraiment déterminante dans le succès, selon les valeurs du confucianisme. D'où que l'on parte, il faut travailler avec acharnement, en évitant de se donner des excuses. Bien entendu, ce simple principe n'explique pas tout. Mais à l'échelle d'une vie, il permet d'accomplir une trajectoire immense. La méritocratie fonctionne dans la mesure où on y croit soi-même. Elle est imparfaite, mais n'advient jamais si, d'emblée, on la récuse comme une légende. 

Le témoignage de monsieur Chuong est extrait d'Histoire d'une grande famille vietnamienne, Madame Kien et les siens (L'Harmattan, 2022). Il s'agit d'un livre très drôle et plaisant évoquant le génie vietnamien, la particularité culturelle de ce peuple, et ses incroyables talents. 

Pour aller plus loin :

Histoire d'une grande famille vietnamienne, Madame Kien et les siens (L'Harmattan, 2022)

Un retour au Vietnam - site Madmoizelle

Crédit : inconnu actuellement